« De mes étés passés à travailler dans les refuges, j'ai gardé en mémoire une bande-son assez précise. Que mes souvenirs de ces mois soient principalement sonores ne m’étonne pas. Être gardien.ne ou aide gardien.ne c’est veiller en permanence à tout ce qui nous entoure. La veille sonore que l’on effectue sans même en avoir conscience et qui s’affine au fil des jours. Dans ce paysage sonore, je discerne les sons issus de la montagne et puis ceux des humains, leurs pas, leurs voix. Et de leurs bouches sortent constamment des paroles qui demandent les uns aux autres « Dans quel état est la montagne ? » Il n’est question que d’elle et de ses conditions. L’état d’une rimaye, d’un couloir, d’un glacier. J’aime cette attention que les alpinistes sont obligés de porter à leur environnement et de leur empressement à prendre des nouvelles d’un lieu.Et puis dans les conversations reviennent constamment les glaciers, parce que ce sont eux qui évoluent le plus vite. Les glaciers m’intéressent car ils marquent visuellement tout le monde par leur disparition progressive et que beaucoup de ceux que je vois depuis mon enfance auront disparu quand je serais vieille. Dans les Alpes, les scientifiques les suivent depuis des années et enregistrent leurs variations de taille et d’épaisseur et aux pôles, on leur prélève de grandes carottes de glace pour remonter les siècles. Je vois dans les glaciers une mémoire qui s’efface et qui s’écoule le long des torrents.De bande-son en dessins, j’ai envie de refaire surgir des histoires, celle des glaciers qui s’en vont et celle des récits d’alpinistes et de randonneurs. La mémoire vive des racontars de refuge et la mémoire des glaciers qui se perd. En quelque sorte, rendre visible, audible ce qui nous rattache aux montagnes. »
Le Caillou et la radio
Feutre, radio
“ Le caillou et la radio dialoguent dans cette installation. La radio est semblable à toutes celles que l’on trouve dans les refuges pour communiquer entre gardiens, et le caillou pourrait parfaitement se dissimuler parmi les blocs de granit que l’on trouve autour du refuge de Font Turbat. Ils cohabitent dans un espace sonore, avec l’eau comme lien. Celle de la pluie d’un orage d’été et celle de la fonte des neiges, celle des craquements du glacier, celle de la source qui alimente la cuisine du refuge et puis celle qui résonne, souterraine, dans les roches. ”
Bande son :
Le caillou et la radio - (17'56)
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