« La topographie locale du parc des Ecrins, permet au vautour fauve, à la chevêchette d’Europe, la niverolle alpine, le lagopède alpin... d’être un fort potentiel métaphorique qui en font les vecteurs d’une grande variété de discours, de pratiques et de représentations. Par le prisme de ces oiseaux, je souhaite questionner la relation avec nous, leurs conflits et alliances avec les usages humains des territoires et explorer la place de ces oiseaux dans les imaginaires collectifs. Le tichodrome échelette, oiseau rhétorique qui réplique et siffle en grimpant la paroi, pourrait-il être un document vivant, se transformant en une sorte d’artefact relationnel, un avatar, voire une incarnation ?
Ce projet est le point de départ d’un enregistrement et d’une réflexion sur notre rapport à l’animalité. Je souhaite mener des actions artistiques avec les oiseaux de montagne (observation, capture sonore, enquête de terrain, sculpture, etc.) et ainsi poursuivre mes recherches entre narration, performance et plasticité.
En effet, les vocalisations des oiseaux semblent requérir des stratégies de transcription particulière, procédant à la fois de la traduction et de l’interprétation. Les nombreux modes de traduction développés comme la transcription phonétique, l’interprétation imitative, l’onomatopée, la notation, la stylisation musicale, interrogent la frontière entre les espèces plutôt que la difficulté de transmission. Les verbes cancaner, causer, crailler, craquer, jaser, parler, piailler, siffler peuvent décrire et caractériser le répertoire vocal discontinu et très varié. A la transcription, phonétique ou musicale, s’adjoint une traduction seconde, proche de l’interprétation ou de l’arrangement. Les différentes traductions nous montrent nos propres capacités d’écoute, d’abstraction sonore ou la recherche d’une autre qualité d’attention. En se tenant à l'intersection de la musique et du langage, du son et du sens, la langue sifflée nous invite à des déchiffrements sans fin. Construit comme une fable, je pose la question du vivant où le corps est un instrument du faire connaissance afin de permettre une émergence sensible du langage. Le chant des oiseaux est une source inépuisable de transformations, de métamorphoses que nous pourrions qualifier d’affectif, de sensibilité trans-espèces permettant de briser la distinction entre personnel et politique.
L’oiseau fait territoire par les sons - mais aussi par les postures, l’allure, le vol, les comportements, les couleurs. Le chant est une façon d’habiter et de cohabiter dont peut s’inspirer le vivre ensemble. »
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