« Partir légère pour laisser toute sa place à la collecte et l’observation, en chemin puis en gravitant autour du refuge. Je le vois comme une pause, un entre deux, un lieu isolé mais vivant, de passage. Un endroit duquel on surveille le ciel, qui nous abrite des intempéries, du froid nocturne, du vent. Un observatoire. Monter là haut c’est donc aussi se rapprocher du soleil, un peu plus que d’habitude. Dans ce cas là, je voudrais voir comment il agit, là haut sur mes papiers sensibles.Voir aussi si, à cette altitude, la lumière de la lune s’imprime sur les surfaces sensibles. Essayer, rater, jouer.À l’image des marcheurs, je serai dépendante de la météo, du vent, des intempéries, je m’en remettrai au soleil et au vent pour la fabrication d’images directes, dont les étapes de production seront réduites à l’essentiel. Une photographie du peu, en collaboration avec les éléments et le territoire.Je voudrais collecter les eaux du torrent, des lacs, les eaux de pluie -si elle s’invite.De cette eau, faire émerger les images prises au long de la résidence.Collecter aussi la rosée pour y développer les ombres glanées la veille sur papier sensible.Glaner les pigments dans les baies et les feuillages pour ensuite les faire décolorer sous le même soleil qui les a nourri.Sans machines et avec le vallon comme laboratoire ouvert, il s’agira d’une photographie autonome, la moins invasive possible, la plus primaire, discrète, respectueuse -au risque d’être fragile. »
Muandes
Épreuves cyanotype, anthotype, tirages lumen, tirages argentiques, photogramme exposé au soleil sur toute la durée de la résidence, plaque de verre au bromure d’argent
“ Le terme muande vient du latin mutare « changer de place ». Le ruisseau en contrebas du refuge de la Lavey porte ce nom. Chaque photographie présentée ici comporte en elle un élément du territoire que j’ai arpenté durant une semaine. J’ai collecté l’eau de la Muande pour réaliser les chimies des cyanotypes - comme celles d’autres tirages développés à mon retour - ; j’ai imprimé les ombres des plantes à même le papier photosensible et j’ai cueilli des myrtilles pour extraire leur jus et en faire des images qui s’effaceront à mesure qu’on les regarde.Pour ne pas en rester là, j’ai emporté l’eau avec moi (comme on emporterait un coquillage ou un caillou) pour developper les images prises de manière plus conventionnelle. C’est une sorte de partenariat entre le ruisseau, le soleil, les végétaux et moi. Des images non pas du vallon de la Lavey, mais faites avec lui. ”
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