« Ces quelques sept jours durant lesquels je suis invitée à résider dans le refuge de Temple-Écrins me semblent être d’une temporalité parfaite, excepté toutefois qu’ils débutent par une date et qu’ils se terminent par une autre, quand on souhaiterait ne pas le savoir, ne pas compter les heures et vivre le temps comme une expérience sensorielle. C’est cette hâte d’être enfin libre que l’on s’imagine en premier : libre, loin et en hauteur. L’idée de la montagne, celle que l’on s’en fait, vient en second ; son immensité et sa géologie primitive qui vont, c’est certain, nous enivrer. Mais je ne fais pas l’erreur de projeter le silence et la solitude, car la vie partout pousse, vole, gratte, crie… C’est d’ailleurs ainsi que j’aime à voir le refuge : un abri, une grotte, un terrier, une alvéole de cire ou de bois mâché au détour de la falaise, dans laquelle quelques humains habitent et que d’autres formes de vie curieuses peuvent étudier de loin - tout comme l’on observe avec fascination le nid d’un faucon crécerelle. Ainsi, dans le privilège d’une proportion des présences mise à niveau, je peux être au monde, vivre l’air et le milieu, au même titre que le trèfle ou le chamois ; et dans une action méditative proche de l’herborisation, je collecterai les rencontres et mémoriserai les conversations.»
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